Indice de bonne gouvernance
Le vendredi 13 août 2021 le quotidien national du Sénégal « le Soleil » mettait à sa « Une » l’article suivant : « Indice de 2021 de la bonne gouvernance des ressources naturelles, l’excellente note du Sénégal ».
La note du Sénégal attribuée est-elle justifiée ?
A première vue, on serait tenté de dire que cet article est plus un message de propagande, rempli de contre-vérité, s’il n’était pas issu d’un rapport du Nrgi (Natural resource governance institute) qui évalue la gestion pétrolière, gazière et minière dans 18 pays, dont le Sénégal, riches en ressources naturelles.
Chacun des 18 pays, a été noté par des chercheurs « indépendants » supervisés par le Nrgi, au travers de l’Indice de Gouvernance de Ressources Naturelles 2021 (RGI en anglais) qui sert d’indicateur clé de la gouvernance du secteur extractif dans les pays producteurs de ressources naturelles du monde entier (selon les affirmations du Nrgi).
Cet indice du Nrgi est constitué de trois composantes :
- la réalisation de la valeur,
- la gestion des revenus du secteur extractif,
- l’analyse du cadre général de la gouvernance ou l’environnement favorable.
Pour ce faire, chaque pays a dû répondre à un questionnaire des chercheurs « indépendants ». Ces réponses ont été confrontées aux trois composantes globales de la gouvernance qui comprend 14 sous composantes et 51 indicateurs calculés à l’aide de ces 136 questions.
Nous reviendrons sur cet indice du Nrgi avec ses critères et la façon dont il a été élaboré.
Dans ce rapport, pour une première évaluation, le Sénégal obtient un score de 82 sur 100 pour la gouvernance du secteur des hydrocarbures (Pétrole & Gaz). Il devient ainsi le meilleur élève en Afrique au plan de la gouvernance des ressources naturelles dans le secteur des hydrocarbures !!!
Si ce rapport de chercheurs « indépendants » reflète la réalité, que faisons-nous, nous autres sénégalais, de la dénonciation de tous les scandales et manque de transparence qui ont lieu dans ce secteur depuis 2012 ? Pour ne se référer que depuis cette période.
Faut-il rappeler que le Sénégal a rejoint l’ITIE – Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives – qu’en 2013 ?
Non sans avoir oublié en 2012 de concéder à Aliou Sall, le frère du président les blocs de Cayar Offshore Profond et Saint-Louis offshore dans des conditions pour le moins opaques.
Ceci, au mépris du rapport de l’IGE – Inspection Générale d’état – que le président de la République du Sénégal à enfoui pour protéger son frère.
Il a fallu l’enquête de la BBC en 2019 pour que soit révélée « l’affaire Petrotim », un énorme scandale éclaboussant plusieurs responsables de l’actuel pouvoir sénégalais qui ont permis à des entreprises étrangères d’accaparer des concessions en matière d’hydrocarbures au détriment des sénégalais, seuls détenteurs des ressources naturelles (conformément à l’article 25 de la constitution sénégalaise).
Il n’échappe à aucun investisseur étranger que le Sénégal regorge de richesses en ressources naturelles (parmi tant d’autres) :
Or – Marbre – Phosphates – Zircon – Minerai de fer – Gaz – 29 blocs de Pétrole (à ce jour) – les vallées fossiles qui doivent nous permettre d’avoir de la très bonne eau en abondance – le secteur de la pêche – 3000 heures d’ensoleillement annuel …..
Comment dès lors avec cette note attribuée, on peut expliquer que le Sénégal soit parmi les 23 pays les plus pauvres au monde ?
De surcroît aucune société nationale ne bénéficie réellement des marchés de transformation et/ou d’exploitation de ces ressources avec ce gouvernement qui est aussi dans l’incapacité de répondre aux besoins de protection de ses concitoyen(ne)s au plan de la santé, du travail, de logement en un mot d’avoir un projet de vie au Sénégal.
Ces soi-disant experts, véritables tigres en papier à la solde des suceurs de sang de notre peuple, veulent nous faire croire à ce score (sur la base de critères des plus fallacieux, nous y reviendrons), mis en place par eux-mêmes et à la faveur de ceux qui ont commandité ce rapport.
Quelle est la crédibilité et la légitimité de ces critères vis-à-vis du Sénégal ?
Lorsque dans les messages clés et recommandations du dit rapport, il est honteusement admis par nos pseudos chercheurs que :
- les scores élevés sur la réalisation de la valeur et la gestion des revenus du Sénégal sont dus à un cadre juridique non finalisé et avec les principaux projets du secteur extractif qui sont en phase de développement.
- Le secteur des hydrocarbures à un score performant parce qu’il en est à ses débuts et que la plupart des indicateurs du RGI ne sont pas applicables ! Quel aveu d’impuissance dans l’analyse de nos chercheurs « indépendants » et pourquoi ne pas avoir utilisé des outils de pondération sur les résultats obtenus en rapport avec l’inadéquation (selon leurs dires) des indicateurs utilisés dans le contexte du Sénégal !
- le Sénégal jouit globalement, selon nos experts, de bonnes conditions générales de gouvernance avec comme argument principal les excellents rapports entre PETROSEN SA, COS-PETROGAZ et le gouvernement !!!
Rappelons tout de même avec cet argument si peu convaincant avancé par nos experts que ces entreprises d’état, mises en place par le Président Macky Sall avec « ses » hommes à leur direction, ne rendent aucun compte à l’assemblée nationale et n’ont pratiquement aucun rapport avec les élus du peuple.
Au final toutes les politiques sur les ressources du Sénégal ne sont mises en place que par un seul homme le Président Macky Sall.
Elle est où la bonne gouvernance ?
- Les mécanismes de transparence et de redevabilité concernant le régime fiscal, la gestion budgétaire et la dette sont bien intégrés dans les règles et pratiques du pays ?
- Les procédures mêmes les mieux rédigées du monde ne peuvent servir d’arguments de transparence à elles seules.
- Les procédures d’attribution des titres miniers sont relativement claires mais des marges de progrès importants existent dans les mécanismes de transparence connexes !
Le tout et son contraire sont affirmés dans cette recommandation.
Rappelons que les paiements portant sur les transferts des revenus miniers aux collectivités, avec des règles complétées en 2020, ne sont toujours pas effectifs à ce jour (3ème trimestre 2021) !
- Adopter l’obligation pour le personnel de l’état et des entreprises publiques de divulguer leurs intérêts financiers dans les entreprises opérant dans les secteurs des hydrocarbures et minier.
- Ces entreprises de ce type sont implantées au Sénégal, le plus souvent, sans aucune traçabilité sur leurs dirigeants que l’on soupçonne pour la plupart d’être d’anciens responsables et ou fonctionnaires de l’état !
A titre d’exemple depuis 2017, le collectif citoyen ARTICLE 25 n’arrive toujours pas à identifier le directeur sénégalais de l’entreprise Trace Atlantic Oil Ltd (BP 23569 Dakar) à qui l’état sénégalais a attribué la concession de recherche du bloc DJIFFERE OFFSHORE.
- L’obligation de rendre accessibles aux citoyen(ne)s les informations sur les propriétaires effectifs des titres pétroliers, gaziers, miniers et divulguer l’ensemble de ces titres comme l’exige la norme 2.2 de la norme ITIE 2019 !!!
Que faire alors du cas de Frank Timis (encore lui) avec le scandale de PETROTIM lorsque le gouvernement de Macky Sall affirme qu’il ne détient plus aucune concession d’hydrocarbure au Sénégal. (voir le tableau ci-dessous)
Ce dernier resurgit comme propriétaire à 25% du bloc pétrolier Rufisque offshore Profond (-ROP-) et à 90% du bloc Sénégal Offshore Sud Profond (-SOSP-) sans aucune indication au niveau des informations sur la liste des propriétaires des titres pétroliers ! (voir tableau réalisé par PETROSEN en 2017 ci-dessous)
Le gouvernement de Macky Sall est rattrapé sur sa stratégie de communication pour la moins mensongère avec le procès intenté contre le Sénégal par African Petroleum Senegal Ltd*
*Fusion des sociétés African Petrolium Corpération –APC– (le nouveau groupe de Frank Timis) et –PétroNor– appartenant à un consortium Norvégien et à la famille royale d’Abu Dhabi (8ème pays producteur mondial de pétrole avec plus de 3 millions de barils/jour).
Nous vous renvoyons à la contribution du collectif citoyen ARTICLE 25 sur ce sujet en Juillet 2019.
African Petroleum Senegal Ltd accuse Dakar devant le tribunal arbitral de la Banque mondiale, d’avoir mis aux enchères la zone d’exploration leur appartenant alors qu’un arbitrage était toujours en cours. Les audiences finales de l’arbitrage sont attendues pour cette année 2021.
Au travers de cet exemple, elle est ou la traçabilité dans l’attribution des blocs pétroliers et gaziers et la bonne gouvernance du Sénégal ?
Au Sénégal nous en sommes encore à ÉXIGER du gouvernement de Macky Sall à rendre effectif (sic !) :
la divulgation et l’examen législatif des rapports et comptes annuels de PETROSEN SA, de MIFERSO et la mise en place de conseils d’administration constitués de personnalités indépendantes de l’état. Divulguer un code de conduite.
1- la divulgation de la liste des demandeurs de titres pétroliers, gaziers, miniers y compris les annexes et avenants ainsi que tout
accord qui lie l’état ou la société d’état et les entreprises pétrolières ou minières.
2- la divulgation des études de base et d’évaluation d’impacts de contenu local
3- l’Établissement une instance MULTIPARTITE de suivi de la politique nationale de contenu local ainsi que les documents
stratégiques associés.
4- l’obligation de rendre public les études d’impact social et environnemental
5- la divulgation des textes législatifs et réglementaires sur la gestion des revenus issus du secteur des hydrocarbures qui ne sont
toujours pas finalisés à ce jour.
6- Les rendus publics et RÉGULIEREMENT des rapports annuels de la Cour des comptes y compris les conclusions de l’audit de
l’administration fiscale.
La question que tout sénégalais se pose en lisant ce rapport :
Au travers de ces graves manquements au niveau de la traçabilité et de la bonne gouvernance, comment ces pseudos chercheurs « indépendants » peuvent-ils conclurent à cette note attribuée au Sénégal ?
Le NGRI serait-il complaisant avec l’état du Sénégal ? et à quels fins ?
À l’évidence, cette complaisance et contradictions multiples dans ce rapport profitent à la non-transparence de l’état du Sénégal sur la gestion de ses ressources.
Gestion de nos ressources qui est faite à partir du palais présidentiel sous la coupe du SEUL Président de la République et de ses hommes placés dans les entreprises d’états mises en place pour contourner le pouvoir législatif et les élus.
L’exemple du COS PETROGAZ – comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz, placé auprès du président de la République avec ses hommes de main qui sont à la manœuvre.
L’expérience du pouvoir nous rappelant que ce sont des hommes que le président Macky Sall n’hésite pas à se débarrasser sans ambages dès qu’ils ne servent plus ses intérêts à l’image de la démission fracassante du ministre de l’énergie d’alors, qui refusait catégoriquement de signer un contrat nébuleux avec Total.
Où encore plus grave, comme ces bisbilles avec son ancien premier ministre qui l’accuse de la promulgation d’un décret à la suite d’un faux rapport établi par son ministre du pétrole.
Malheureusement nous en sommes à ce niveau dans notre pays très loin de ce que l’on peut appeler la bonne gouvernance et cela quelques soient les tentatives de manipulations avec les normes et critères utilisés par tous ces organismes internationaux (aux intérêts divergents à ceux du peuple sénégalais) dont le seul but est de soutenir nos gouvernants dans une gestion opaque de nos ressources pour en bénéficier au détriment des sénégalais.
Aboubakr Bengelloun Président du collectif citoyen Article 25, association sénégalaise reconnue en France
Kémo Cissé Président de la commission Massification Article 25
E-Mail : secretariat@article25-sn.fr
Pour information cette contribution n’a pu être publiée sur notre site internet article25-sn.fr piraté selon les informations de notre hébergeur OVH.
Gageons que nos différentes contributions et sources sur la gestion de nos ressources au Sénégal n’y sont pas étrangères.